jeudi 19 février 2015

Où est Charlie?

Comme beaucoup, j'ai été choquée par les assassinats de Charlie Hebdo, du Super Casher, des policiers...
1ere réaction: une pensée pour Cabu (que tous les trentenaires connaissaient à cause "du nez de Dorothée")..., et pour les autres, Reiser, Charb que je connaissais moins hormis pour ses caricatures, etc...
2ème réaction: c'est pas surprenant.
3ème réaction: on va bouffer niveau bal des faux-culs et sécuritaire...


Oui, c'est dégueulasse. Mais pourtant je ne me suis pas trompée.

Prenons le premier soir, juste après la tuerie de Charlie Hebdo, mais avant la tuerie de l'Hyper Casher. Sur BFM TV. Il s'est passé un truc.

Une liberté de ton. La parole s'est déliée. Il y avait une petit meuf à lunettes. Elle expliquait très calmement qu'il y avait des camps d'entraînement à Lunel (dirigé par un ancien de la Légion Etrangère), que tout le monde le savait etc...On savait qui participait, qui partait, qui revenait. On connaissait les prêches, les recrutements, le maniement des armes, comment elles entraient...

Ca m'a fait du bien d'entendre ça. C'était assez surréaliste. Je cherche, mais je ne trouve pas de trace. Et pourtant...

J'ai vécu en banlieue parisienne, il y a plusieurs années, dans un coin un peu connu pour ne pas être forcément toujours très friendly.

Y'avait les jeunes en qami (la robe musulmane pour homme, pas les armures de Saint-Seiya bande de geeks), qamis-Nike-barbe...Y'avait les prêches sauvages, bien connus, appelant à buter du mécréant. Des imams ont été virés pour ça...Mais pas beaucoup. Y'avait les prêches officiels, à la Mosquée, dont j'entendais parler des fois. Pas d'appel à tuer les mécréants...Par contre fallait protéger les femmes en les laissant à la maison. Jamais vu de burka, par contre y'avait du niqab, j'en croisais deux tous les matins, marrons...Pas les niqab des riches saoudiennes qu'on croise en voyage, non, du niqab bien moche. A ceux qui veulent laisser des commentaires racistes, islamophobes etc...Merci de lire en premier lieu "Race et Histoire" de Levi Strauss (le PDF ici) et de faire dans le constructif. Je n'aime pas la censure, mas je déteste encore plus la haine gratuite. Bref, la radicalisation, ça se voyait bien hein, c'est pas une surprise. Même les vieux ils s'en plaignaient, c'était plus la même ambiance à la mosquée...Enfin bref, les élus du coin, ils étaient bien au courant. Faut arrêter de se foutre du monde. Si personne n'agit, c'est par choix. Ca peut-être politique. Les minorités, les communautés, ça a cet avantage d'être mobilisable et influençable par bloc...Pratique pour des politiques. Mais je m'égare.

Bref, il n'y avait rien de surprenant, alors que tout le monde semblant découvrir l'eau chaude. Stupeur. Enfin côté politique et médias. Parce que ce soir là, les "experts" invités sur BFM TV, ils se lâchaient. J'ai regardé jusqu'à 3h du mat, des gens qui pouvaient enfin parler. Philippe Val il m'a émue avec son "Nous sommes Charlie", c'était avant que les petites affichettes "Je suis Charlie" n'apparaissent partout.

Et puis il y a eu la traque. Et puis il y a eu Coulibaly. A ce moment là déjà, la liberté de parole était morte. "Je suis Charlie" était le mot d'ordre. Une seule tête.



Je suivais tout ça sur Twitter. Le nom de Coulibaly y est apparu bien avant qu'il ne sorte dans les médias. J'essayais d'expliquer tout le bazar à un journaliste américain en même temps...Il comprenait rien, avec des trucs qui remontaient aux attentats de Saint-Michel...Ca lui avait plus par contre la rencontre Sarko-Coulibaly (coïncidence certes mais c'est vendeur). Ca bouillonnait sur BFM, traque, puis prise d'otage en direct, appel du preneur d'otage...Ah, l'adrénaline! Mieux qu'Hollywood...Mais fini les analyses.

Tout le monde était Charlie. Une seule tête. Fallait mieux pas ne pas être Charlie...Ne pas être Charlie, c'était être un immonde connard sans empathie soutenant les assassins. A la Bush, vous êtes avec nous ou vous êtes contre nous. Marrant quand on pense au jeu "où est Charlie"...Tout le monde est différent, bah là, tout le monde était pareil. Y'a bien eu quelques "non alignés", malheureusement il faut bien admettre qu'il y avait un certain nombre d'extremo-facho dedans...Même si des voix intéressantes se faisaient entendre, concernant qui la liberté d'expression, qui la manipulation des émotions...

Ca craignait...Et les politiques qui pleuraient, et la langue de bois qui langue de boîtait...Oubliés les vérités sorties le premier soir, retour à la raison et au discours officiel: paumés, chômage, faute au FN, toussa...

Y'a eu la fin de la prise d'otage de l'Hyper Casher. Les propos décousus de Coulibaly.

Y'a eu la marche républicaine. Tout le monde était Charlie. Et y'avait franchement plus le droit de ne pas être Charlie. Nathalie Saint Cricq, le 12 janvier: "C'est justement ceux qui ne sont pas "Charlie" qu'il faut repérer, ceux qui, dans certains établissements scolaires ont refusé la minute de silence, ceux qui "balancent" sur les réseaux sociaux et ceux qui ne voient pas en quoi ce combat est le leur. Eh bien ce sont eux que nous devons repérer, traiter, intégrer ou réintégrer dans la communauté nationale."
Ca donne le ton.


Moi j'avais du mal. Du mal avec ces politiques qui venaient pavoiser. Alors qu'au mieux ils ont fermé les yeux, au pire ils ont joué un rôle actif, via les politiques au Moyen-Orient. Leur mise en scène...

Du mal avec les pleurs religieux de partout. Les différents dieux qui devaient les bénir.

Du mal avec tout le monde qui était Charlie. Une seule tête. Et qui a lu Gustave Le Bon et la psychologie des foules c'est que c'est dangereux, l'émotion et le Une seule tête...

Y'a quand même eu une résistant. A l'entrerrement. Un pigeon. Il a pas fait dans le une seule tête lui. Il a fait un vrai gros hommage. Et fait rire les survivants.



Un warrior ce pigeon. Un vrai.

Mis à part lui, tout le monde était Charlie.

Et puis ce qui devait arriver arriva: la loi anti-terroriste. Loi sur le renseignement. Tout surveillable et surveillé. Tout censurable. Tout écoutable. Boîtes noires "tamis" chez les opérateurs. Pas besoin de juge pour les écoutes. Patriot Act à la française.

Tout le monde est Charlie, alors tout le monde accepte, plus jamais ça, et si on n'a rien à se reprocher, qu'est-ce qu'on craint?

Parce que vous savez ce qu'il sera bon de penser demain vous? Vous êtes sûrs que demain, on ne vous reprochera rien?

Edit: Même Charlie n'aime pas cette loi.




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